Le village... le Transiton


Fontgillarde, c'est un hameau de la commune de Molines-en-Queyras (Hautes-Alpes) situé à plus de 2 000 mètres d'altitude, fermant la vallée de l'Aigue-Agnelle avant le col Agnel, qui permet de rejoindre l'Italie à quelque dix kilomètres.

A peine une quinzaine d'habitants, enfants du pays... Mais dès les vacances en hiver comme en été, les amoureux du village reviennent en force retrouver leurs racines ou simplement découvrir ces lieux bénis des Dieux...

Fontgillarde a sans doute été créé au XVIIIème siècle ; à l'époque le "gros" village était Costeroux, un peu plus haut dans la vallée.



C’est en 1873 que l’Oratoire de Costeroux a été construit. Il y avait autrefois à l’emplacement de cet Oratoire une chapelle dédiée à St Claude, c’était la chapelle du village. La tradition raconte, c’est presque certain, qu’elle fut détruite par les avalanches, mais on ne sait pas en quelle année, car ces coulées de neige sont venues en plusieurs fois. Cette chapelle ne fut pas reconstruite mais on érigea à sa place une croix en bois qui a toujours existé jusqu’à que l’on l’ait arrachée pour construire l’Oratoire. C’est un des derniers habitants du village qui l’a fait construire ou du moins qui a payé toute les dépenses, moins les fournitures de pierres et de sable que les habitants de la paroisse ont ramené par corvées. On a dépensé pour la construction de cet Oratoire la somme de 101,50 francs d’époque. La statue de St Claude a été achetée en 1899. Elle a coûté 30 francs de l'époque...

Le hameau était situé sur la route du Col Agnel (2 744 mètres) à la frontière italienne, non loin du Pain de Sucre (3208 mètres), facilement accessible à pied, mais aussi du Mont Viso, (3841 mètres) qui nécessite lui le recours à un guide.

Il s'étendait de l'actuelle croix de la Mission 1937 jusqu'au dernier tournant avant le pont de Lariane. Au centre du hameau, il y avait la chapelle St Claude, remplacée par l'oratoire Saint-Claude.

Costeroux est situé dans la haute vallée de l'Aigue Agnelle, à la flore et la faune très riche, qui est par ailleurs le paradis du ski de randonnée, car protégé de toute remontée mécanique. Sur le versant sud, le canal de Rouchas Frach est encore parfaitement visible sur plus de 8 kilomètres. Dans un site qui bénéfice d'un ensoleillement exceptionnel mais de saisons agricoles très courtes, à cause de l'altitude, il servait à arroser les foins, coupés deux fois dans l'été, et les cultures potagères. Le canal n'a plus été entretenu depuis 1914, mais l'association "les Fountgillencs" a entrepris un travail très important de réhabilitation de ce canal sous forme de sentier de promenade agrémenté d’œuvres d'art, formant un véritable itinéraire pédestre et pédagogique centré sur l'eau.


Les statues de Saint Pierre et Saint Paul de l'église de Fontgillarde

Les deux statues de Saint Pierre et Saint Paul patron de la paroisse se situant dans l’église de Fontgillarde ont été acquises en 1862.
Ces deux statues furent commandées dans le courant de mars 1862 à un fabricant de Lyon. Elles coûtaient 160 francs d’époque l’une. Elles ont été placées dans leur niche par un habitant originaire de Suisse.  Le 29 juin 1862, fête patronale du village, furent bénis ces deux statues.
Ces deux statues sont en bois massif et dorées très solidement. Elles ont  été données par deux habitants de village originaires de Piémont mais mariés et propriétaires depuis de longues années dans la paroisse.

Un hameau victime des avalanches

Costeroux était à son époque le plus haut village habité d'Europe, à 2 100 mètres soit un peu plus que le village voisin de Saint-Véran. Selon Étienne Clouzot auteur de "l’enneigement dans le Queyras au XVIIe et XVIIIe siècle", il restait encore dix maisons en 1824 à Costeroux peu avant son abandon définitif. La copie du cadastre de 1824 montre effectivement onze maisons. Le milieu du XIXe siècle a été marqué par le pic d'un mouvement de refroidissement entamé en Europe à partir du XIIIe siècle.
Alors que le hameau voisin de Fontgillarde, bien abrité des avalanches, était privé de soleil, celui de Costeroux était très ensoleillé mais victime de nombreuses avalanches, qui ont finalement eu raison de la résistance de ses habitants, partis s'installer à Fontgillarde.

En 1788, le hameau de Costeroux fut la proie des avalanches, qui font 21 morts et détruisent 43 maisons. En 1706 déjà, 11 maisons avaient été détruites.

L'accueil des femmes vaudoises lors des « Pâques piémontaises » de 1655.
Costeroux et le village de Molines, lors des Pâques Vaudoises, appelées aussi Pâques Piémontaises de 1655, avaient accueilli 3 000 femmes vaudoises des vallées italiennes, pendant que leurs maris tentaient de résister à la répression du Duc de Savoie. Plusieurs d'entre elles ont été hébergées rapidement dans des villages voisins.

Les populations protestantes de la haute vallée de l'Aigue-Agnelle, appelés vaudois ou barbets (du mot italien barba, qui veut dire oncle, donnés à leurs prêtres), pratiquent leur culte du désert dans les hauts-alpages au-dessus de Costeroux. Ils ont ensuite fui massivement en Italie, trente ans plus tard, comme beaucoup de huguenots.

Un émigrant français au Mexique dès 1685
C'est du hameau de Costeroux qu'après la révocation de l'édit de Nantes Paul Ebren, mari de Marguerite Eyméoud a émigré vers 1685 au Mexique, où il est mort à Guadalajara. D'autres protestants ont été contraints de fuir, de l'autre côté du col Agnel, en Italie, puis en Suisse et d'abandonner leurs biens. Ils sont ensuite revenus dans les villages italiens à l'occasion de la Glorieuse rentrée.

Après cet épisode, ces vaudois sont venus à plusieurs reprises piller leurs villages d'origine en France, dont celui de Costeroux, pour en ramener du bétail en Italie. Marguerite Eyméoud, devenue célibataire, âgée de 32 ans, leur a opposé une résistance courageuse qui lui a donné la réputation d'être "l'héroïne du Queyras".

Dans la gorge de l’Aigue Agnelle, elle tend avec les habitants du village une embuscade alors que les pillards s’en repartent, ployant sous la charge. L’embuscade est couronnée de succès et la paix assurée pour les mois suivants. Hélas, l’intrépide Marguerite périt au combat. L’auteur local Aristide Albert (1821-1903) a publié cette histoire vraie et édifiante en 1873.

(Fontgillarde vers 1700)

Le terrible gel des Espagnols en 1743
L'armée espagnole de Don Philip campe au col Agnel où elle est surprise par une terrible vague de froid, qui gèle les pieds puis tue plusieurs centaines de soldats. Les survivants font une razzia sur tout le bois existant dans les villages mais la décomposition des centaines de cadavres tout le long du chemin provoque dans les semaines qui suivent de terribles épidémies.

Un extrait d'un "transiton"* :
(...) Au village de Costeroux, En 1706 une avalanche emporta 7 maisons.
Le vendredi 02 janvier 1728 il y a eu une si grande quantité de neige qu’une avalanche est venue au village de Costeroux et emporta 7 maisons et une vache. Elle est venue du lieu-dit « Peironnières ».
Au mois d’octobre 1743 Dom Philippe Roi d’Espagne et son armée de 5 000 hommes sont passés dans la vallée de l’Aigue Agnelle pour se rendre en Italie. Des camps ont été installés à Costeroux, La gravière, Lesplans au Revelet et au Cougnas. Les maisons hébergeaient plusieurs capitaines ainsi que des soldats. Les habitants devaient fournir du foin de la paille ainsi que du bois.
Au mois d’aout 1793 des troupes du roi de Sardaigne qui avaient campé au col Agnel sont venus piller le village et ont pris plusieurs bêtes. Dix hommes dudit village avec 5 soldats ont été menés prisonnier cinq mois.
Sur les dix habitants six sont morts et les quatre autres ont été rendus au mois de février.
En 1794 au mois de juin une incursion de soldats Piémontais et Autrichien surprit les soldats aux villages de Fontgillarde et de Costeroux,  tuèrent les capitaines et les commandants, firent des prisonniers et pillèrent le village de Costeroux. Ils emmenèrent les bêtes à savoir plusieurs vaches brebis et mulets (...)

* Transiton : cahier tenu par le chef de famille
qui note le résumé de tous les événements importants
de la maisonnée, des voisins, du village, des terres.
Une mémoire de toute l'histoire des villages Queyrassins :
on était lettrés dans les hautes vallées en ces temps-là.
(Merci à Guy Gérard pour cette transcription)

Depuis, la population de cette vallée élevée s'est rassemblée à Fontgillarde, qui grossit jusqu'à compter plusieurs centaines d'habitants jusqu'à son déclin après la première guerre mondiale, non sans compter des catastrophes dramatiques : incendies comme en 1908,1924, crues de l'Aigue-Agnelle en 1957... La vie dans ces hautes vallées à l'hiver froid et long, aux étés verdoyants mais à la culture limitée par l'altitude n'a jamais été facile. D'où un tempérament particulièrement fort des ses habitants !

Quelques images du passé :

(l'oratoire Saint Claude, à l'emplacement de l'ancien village de Costeroux)














(1930)





sources, crédit photo : Wikipedia, collections personnelles, Corinne Roux, Léa Jonot, Guy Gérard


Petite Histoire des cimetières de Fontgillarde

Ce n’est qu’en 1824 qu’on a commencé à avoir un cimetière à Fontgillarde.  Jusque-là on avait toujours porté les morts à Molines pour les inhumer au cimetière.

Une personne du village de Fontgillarde ayant donné une partie du champ à « Chansoir » contre le chemin pour faire le cimetière. Le curé du village fit la bénédiction le 3 mai 1824 en vertu d’un pouvoir qui a été accordé par le Vicaire Général.

Le cimetière fut plus tard reconnu trop petit. Il fallut donc songer à l’agrandir. On acheta pour cela du côté du levant au prix de 200 francs la portion du champ correspondant à celle donnée précédemment et d’égale grandeur. On le  clôtura de murs comme le précédent, puis on transporta la croix au milieu de ces deux portions de champs, on mit le portail en face de la croix et par là on eût une grandeur double. Cet agrandissement du cimetière s’effectua en 1838 et coûta à la paroisse en outre 200 francs d’achat du terrain et 150 francs environ pour les murs.
sources : Guy Gérard